Life

D’ingénieur à photographe

Il est de ces vies qui semblaient déjà écrites et qui pourtant choisissent de prendre un tournant et se retrouvent au bon endroit, là ou ils doivent être pour libérer leur potentiel et ceux des autres. Celle de Jérémie Tchoua en fait partie. Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, il est aujourd’hui un talentueux photographe, on ne parlera pas de son excellent jeu de basse, et pourtant vu son contexte de vie il n’était pas destiné à faire des arts son métier.

Des photographies colorées, de la joie, des émotions, voilà ce que propose Jérémie. J’ai eu la chance de le rencontrer, de découvrir son travail et son œil de photographe, alors j’en ai profité pour l’interviewer afin de comprendre son parcours et les choix qui l’ont amené là ou il est aujourd’hui.

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crédits photo: Jérémie Tchoua

 

Est-ce-que photographe a toujours été la ligne directrice ? Non pas du tout, je viens du Gabon, en Afrique. Là-bas le contexte fait que le seul moyen de s’en sortir, de vivre, c’est de faire des études, avocat, ingénieur, médecin, pilote. Bac +5, Bac+8, Bac+12. C’est la même chose pour tout le monde, depuis tes 5 ans on te fait bien comprendre qu’il faut que tu travailles à l’école. Du coup je ne pensais pas du tout être photographe. Au lycée j’ai fait une option scientifique, puis une classe préparatoire. Pas du tout le chemin pour devenir photographe.

De la classe préparatoire, que s’est-il passé pour en arriver à la photographie ? Avant j’avais tout de même une certaine sensibilité artistique, je dessinais beaucoup, à l’âge de 14 ans mon frère m’avait donné un logiciel de montage vidéos, du coup je faisais de petites vidéos. C’était la découverte du montage vidéo. Et lorsqu’à la maison il fallait prendre des photos, c’était tout le temps moi qui les prenait. Je faisais ça sans forcément aimé mais je le faisais. Peut-être que ça a germé de là, mais dans ma tête, jamais, jamais je ne pensais que je travaillerais dedans, c’était juste « comme ça ». Puis en classe de première, j’ai dit à mes parents que je voulais faire de l’infographie, travailler dans l’image. Ils m’ont clairement dit non, parce que ça ne faisait pas partie des métiers médecin, ingénieur… Du coup j’ai fait une classe préparatoire. Là-bas je me suis heurté à un gros souci, les gens autour de moi, ils aimaient ça. Ils s’amusaient à programmer PacMan sur leurs calculettes, eux ils étaient dans ce qu’ils aimaient, c’était intrinsèque. Et moi, je travaillais, je trouvais ça dur, mais surtout je ne m’éclatais pas du tout. J’étais vraiment malheureux, c’était vraiment pas pour cela que j’étais fait.

Comment as-tu trouvé « pourquoi tu étais fait » alors ? J’ai commencé à me renseigner, ce que j’aimais dans la vie, ce qui me plaisait. Les choses qui me plaisaient le plus c’était la musique, les arts, prendre des photos, analyser pourquoi un film marchait bien ou pas. La vidéo me touchait beaucoup. Puis j’ai lu un article « les 5 plus grands regrets sur le lit de mort des personnes« . Ça m’a bouleversé car le principal regret était « je regrette d’avoir vécu la vie que les autres voulaient que je vive« . Je me suis vu arriver à un certain âge et regretter les choix que j’avais fait parce que d’autres avaient pu penser que non photographe n’est pas un métier, un artiste c’est trop.. Mais finalement qu’importe les choix que je dois faire, je préfère les assumer et être heureux sur mon lit de mort. Et donc je me suis lancé.

Comment en arriver à la photographie ? Je savais que l’image m’attirait, je ne savais pas si c’était de la photographie ou de la vidéo et je suis tombé sur une photographe toulousaine, Floriane Caux. Elle fait des photographies de mariage et je suis tombé amoureux de ses photographies. Pourtant je ne suis pas allé à beaucoup de mariages dans ma vie, ni vu beaucoup de photographies de mariage, mais avec ses photographies elle racontait quelque chose. Il y avait quelque chose qui transpirait. Ses photographies étaient comme un rêve et ça m’a vraiment plu et je me suis dit qu’il fallait que je fasse la même chose.

crédits photos: Floriane Caux

 

Comment as-tu annoncé ce choix à tes parents ? C’était compliqué j’étais en fin de 2ème année de prépa, j’étais entrain de préparer le concours d’ingénieur et j’ai dit à mes parents que je ne voulais pas faire ça toute ma vie, que je voulais faire de la photo. Dans un premier temps ils n’ont pas compris, puis je leur ai dis que peu importe le résultat du concours dans les deux cas j’arrêtais ingénieur. J’ai bossé pour le concours et une fois que je l’ai eu ils m’ont dit de continuer. C’était dur car il y a eu beaucoup de discussions et ce n’est pas évident quand on est à 6000km, que tu communiques par mails ou par téléphone. C’était difficile avec des malentendus, des incompréhensions, mais ils m’ont fait confiance même si ils n’étaient pas d’accord. Ils m’ont dit que même s’ils n’y croyaient pas trop, ils m’aimaient et qu’ils voulaient m’aider à me développer dans ce que je souhaitais faire. A l’époque j’étais à Angers et il n’y avait pas d’école, du coup ça impliquait un loyer, des sous pour vivre plus le prix de l’école… et en plus je suis le 5ème de 9 enfants. C’était un vrai coût mais ils m’ont aidé financièrement et ils m’ont fait confiance et l’année suivante j’étais à Montpellier, si aujourd’hui je suis arrivé jusqu’ici c’est grâce à eux.

Comment s’est fait le choix entre la photographie et la vidéo? L’ESMA à Montpellier propose une formation photo spécifique avec un module vidéo et je m’étais dis que sinon, j’apprendrais ça plus tard.

Pendant tes études, est-ce que les photographies de mariage ont continué à être ce que tu voulais faire ou as tu retrouvé ce que tu avais ressenti dans d’autres domaines ? Quand je suis arrivé à l’école j’étais très fermé, je ne voulais faire que des photographies de mariage, mais en deuxième année il y a eu un déclic et j’ai découvert qu’il y avait d’autres domaines où je pouvais être bon et que j’aimais, notamment les photographies publicitaires, les portraits… En me plongeant dans les photographies publicitaires, j’ai commencé à m’épanouir à tel point que je faisais parti des meilleurs de la classe. En fait, c’est venu toucher mon cœur et je me suis investi dedans. Ça m’a permis de donner un panel à ce que je fais. Aujourd’hui je fais majoritairement du mariage car c’est le domaine où j’ai le plus d’expériences.

crédits photos: Jéréemie Tchoua

Si tu devais faire un choix entre photographies publicitaires et de mariage lequel serait-il ? C’est plus facile en sortant de l’école de faire des photographies de mariage, car dans la publicité les commanditaires veulent travailler avec des gros studios et toi tu es un peu le petit poucet, il faut faire sa place.

Comment arrive-t-on à faire sa place après l’école ? Photographe.. c’est dur ! Dans ma promo je pense que nous sommes 2 sur 34 à travailler après l’école. C’est un milieu très fermé. J’ai la chance d’avoir eu des contrats dès la fin de la première année. J’ai eu quelques expériences, j’ai pu faire un site internet, montrer ce que je savais faire et préparer la sortie de l’école. Ce n’est pas évident car il y a beaucoup de photographes. Pour sortir du lot il faut soit être vraiment très très bon, soit savoir se vendre et c’est une chose que l’on n’apprend pas forcément dans les écoles. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir eu de l’expérience et aussi un réseau.

crédits photos: Jérémie Tchoua

Actuellement tu es photographe à Montpellier, la suite tu la vois comment ? J’ai prévu de partir au Gabon, mon pays d’origine. Je prévois de diviser mon travail en deux parties, une partie photographe, en travaillant avec les particuliers, et une partie production, une agence de communication qui traitera avec les professionnels pour faire leur communication. C’est un domaine qui a été négligé au Gabon, du fait du contexte, personne n’est encouragée à faire ce genre d’études ni à viser ce genre de métier, alors quand tu es compétent tu es rare. Du coup ça me permet de pouvoir faire de la vidéo, du dessin, de la photographie, c’est un régal de mixer l’ensemble des arts que j’aime.

Et après, as-tu une envie plus particulière ? J’aimerais faire un film, j’ai un rêve qui me travaille depuis longtemps, d’être réalisateur, ça m’a l’air très gros mais c’est un rêve. J’aime fournir des émotions à un public, à quelqu’un qui regarde, qui écoute et c’est ce que je veux faire. C’est ce que j’essaie de faire en faisant des photographies, d’avoir des moments clés qui transmettent quelque chose mais j’aimerais passer au cinéma. Faire passer des messages forts, communiquer avec le public. J’aime ces moments où tu regardes un film et tu ne te rends pas compte mais tu es entrain de sourire tout seul et tu te dis « whaou là il m’a eu ! Il m’a fait transparaître une émotion » c’est ce que j’aimerais faire.

Pour en savoir plus sur Jérémie Tchoua et le suivre dans ses aventures: Facebook et son site

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crédits photos: Jérémie Tchoua
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1 réflexion au sujet de “D’ingénieur à photographe”

  1. Super article 🙂 J’aime bien ton parcour et ta vision Jerem ! Du coup à quand le film avec toi en realisateur et Manal en actrice ? :-p

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