Marie-Flore, musicienne de 30 ans, est présente dans le paysage musical depuis plusieurs années, on la retrouve aussi sur scène dans le groupe OMOH. Rare femme que j’écoute, artiste au sens large du terme, Marie-Flore est là où on ne l’attend pas. Elle nous avait habitué à sa voix en anglais et signe maintenant ‘Passade Digitale’, un EP en français. Entre écriture et composition, Marie-Flore articule et créé de l’image ainsi que sa marque en 2016. Entre la tournée des zéniths, des répétitions pour ses concerts et d’autres projets encore secrets, elle a accepté de répondre à une interview et nous présenter son nouvel EP Passade Digitale.
crédit photo
Tu viens de sortir ton nouvel EP Passade Digitale. Il est très différent de ce que tu as pu produire avant, peux-tu nous parler de ces différences ?
Ce qui change le plus, c’est la langue car j’ai commencé à écrire en français il y a 2 ans. Forcément ça a un peu changé mon approche musicale car je n’écris pas de la même manière en anglais qu’en français. Mais j’ai essayé justement de garder une approche qui a de la musicalité dans la manière dans laquelle j’utilise les mots, pour cela l’anglais m’a beaucoup aidé. C’est la langue par excellence pour faire rebondir les sons. Du coup, une nouvelle approche, oui, puisque française et donc moins distancée, avec une sorte de mise à nu. C’est beaucoup plus frontal. Sinon j’ai conservé la même équipe, je l’ai produit avec Robin Leduc, le réalisateur qui me suit depuis mes débuts.
Comment vous êtes vous rencontrés avec Robin Leduc et comment travaillez-vous ensemble ?
Comment on s’est rencontrés ? Je ne m’en rappelle plus… C’était il y a 6-7ans. On a commencé à travailler ensemble pour faire un essai, je cherchais un réalisateur. On a commencé à travailler et ça a tout de suite collé.
En terme d’influences, Robin a une culture musicale de dingue, il m’a fait découvrir plein de choses, il est très pointu sur les genre de musiques où je pensais l’être.
On a fait 3 disques ensemble. On fonctionne en binôme, j’apporte les chansons, lui il produit, réalise. Tout ça en vase clos. Des musiciens viennent des fois faire les batteries mais la plupart des arrangements sont faits et enregistrés par lui. C’est un multi-instrumentiste. On est deux à travailler, ça demande beaucoup de temps car on porte toutes les casquettes mais je préfère ça. Je n’ai jamais travaillé en « grosse » équipe et j’aime ce rapport intime, on est un peu comme un vieux couple, on s’engueule, c’est drôle.
Mise à part le changement de langue, comment pourrais- tu qualifier ton EP ?
Je suis assez mauvaise pour analyser ou parler de mes morceaux, je ne sais pas trop… une qualification… Ce serait une mise à nu, une adresse un peu maladroite à qui voudra bien l’entendre.
Y-a-t-il eu des influences particulières pour construire Passade Digitale ?
Je reste bloquée sur les références qui m’ont transcendée, les années 60, le rock sombre, la poésie dans l’écriture… Des références anglo-saxonnes que j’ai digéré et peut être ai-je du les ressortir d’une autre manière.
En termes de références et figures françaises il y assez peu de gens qui m’inspirent, je ne sais pas pourquoi mais mon cœur balance plutôt du côté anglo-saxon. Sauf Gainsbourg, que j’admire énormément. Et en terme d’écriture pure, René Char pour sa poésie, Emilie Dickinson, en anglais… Mes références ne sont pas forcément musicales.
Dans tes références tu parles de rock sombre mais la pochette de l’EP est rose, qu’est ce qui s’est passé ?
J’ai complément trippé ! J’ai commencé à penser cette pochette il y a quelques mois. Plus les mois passaient, plus j’avais des idées, je partais dans tous les sens, mais après quelques temps j’ai synthétisé mes images au travers de deux univers, une avec mon faux tatouage tribal et une avec un body paint texturé.
L’image c’est quelque chose que j’adore, faire des images, en regarder. Je m’abreuve de tout ça, j’aimerais aussi beaucoup travailler là-dedans plus tard. Du coup je me suis fait plaisir, j’ai pensé une image, recontacté un photographe avec qui j’ avais adoré travailler qui s’appelle Alexandre Tabaste. Lorsque je lui ai présenté le moodboard, il a tout de suite saisi. Je savais qu’il allait être parfait pour ces photos.
Du coup tu t’es peinte en rose ?
Du coup, je me suis peinte en rose. Ça a été laborieux parce qu’il fallait trouver la bonne technique, le mélange, bien faire le dégradé. J’ai acheté du sable d’aquarium car le body paint se devait d’être en relief. Pendant la journée de shooting je ne pouvais pas bouger sinon cela faisait des plis, des marques, je ne pouvais pas m’asseoir… C’était un peu bizarre, mais dès qu’on a fait les premiers essais lumière sur fond rose avec le flash, ça a tout de suite fonctionné et j’ai su que c’était la bonne image.
Je déteste le rose, je ne sais pas pourquoi je suis partie complètement là-dedans. En même temps c’est marrant de se montrer et/ou se voir dans autre chose, c’est frais et j’avais envie de relever le côté dépressif de la musique (rires).
J’aurais du mal à qualifier l’EP de dépressif peut-être à cause de la mélodie qui le rend lumineux, comment as-tu pensé ce mélange ?
C’est une sorte de mélancolie solaire alors, disons que ce qui est intéressant dans la production en général, c’est la magie, et les possibilités infinies qu’elle offre. On peut arranger une chanson de mille manières différentes. J’arrive avec mes chansons, si on les prend au premier degré, cela peut être assez sombre, un piano voix peut être très vite triste, voir rébarbatif. Dans la production, on essaie pas forcément d’en faire quelque chose de drôle, mais plutôt de contourner un peu le sens premier, l’épicer, le mettre en valeur, ou le cacher.
Si il y avait un titre à retenir sur cet EP, lequel serait-ce ?
C’est dur ! Pourquoi un ? Il y en a que 4 déjà ! (rires) Je peux en retenir 3 sur 4 si tu veux ? « Palmiers en Hiver « car c’est la première chanson que j’ai écrite en français il y a 2 ans, elle est passée par plein de phases, je l’ai ré-écrite juste avant de terminer l’enregistrement. Je retiendrai aussi « Passade Digitale », c’est la dernière chanson que j’ai enregistrée pour cet EP, elle me parle encore. Et Chevrotine car c’est la première que j’ai sorti, que Baxter Dury chante dessus et qu’elle a fait aussi son chemin.
Parles-nous de Chevrotine, tu étais aux États-Unis pour le clip avec une petite perruque, pourquoi ?
Je partais en roadtrip en Californie, je venais de terminer l’enregistrement de Chevrotine et je me suis dit qu’il fallait que je l’habille, que je lui trouve des images. Je suis rentrée dans une phase un peu obsessionnelle. J’avais cette vieille paire de talons dorés de créateur qui m’a coutée assez cher et que je n’avais jamais pu mettre car incapable de marcher avec. Je me suis dit que c’était l’occasion d’essayer de les porter et je me suis achetée une perruque à Barbes. Les essayages étaient très drôles, avec tout le monde qui donnait son avis dans un salon afro.
Pour le clip, tous les matins on se levait un peu plus tôt et on tournait à la mini DV, dans chaque chambre d’hôtel les mêmes images, dans une sorte de redondance, une routine depressivo-white-trash.
C’était drôle et à la fois gênant, de se trimballer sur les coursives des motels affublée de la sorte..
crédit photo : Renaud Cambuzat
Cela fait quelques années que l’on te voit dans le paysage musical, est-ce-que tu peux nous raconter ton plus beau souvenir musical ?
Il y en a beaucoup et à la fois je suis plutôt d’une nature où c’est assez fugace chez moi : quand je suis contente ça dure 30 secondes, ça me passe assez vite. (Rires) Mais je dirais quand j’ai enregistré à Philadelphie avec Gregg Foreman, c’était il y a 7 ans. C’était une grosse expérience que de bosser avec des américains et lui, c’est une sorte de génie de la musique psyché. Il bosse avec Cat Power, pour moi à l’époque ce n’était pas des références car je n’écoutais pas mais j’ai compris plus tard. Cette rencontre, c’était génial. Le studio à Philadelphie, ce truc à l’américaine des one take, revenir à une sorte d’instantanéité, bosser sur des consoles superbes avec des musiciens talentueux. C’était une expérience assez dingue et moi j’étais là, avec mes petits yeux.
Comment ça s’est passé tout ça ? – Se lancer dans la musique et enregistrer à Philadelphie ce n’est pas le premier truc auquel on pense.
A l’époque de Myspace ce mec m’a écrit en me disant, « Salut je m’appelle Gregg, je joue à l’Olympia avec Cat Power dans une semaine. J’aime ce que tu fais, j’imagine que tu es fan de notre musique, viens nous voir je te met une invit, j’aimerais beaucoup travailler avec toi. » Au début je l’ai trouvé un peu prétentieux, je ne connaissais pas à l’époque, alors j’en ai parlé à des amis qui m’ont dit que c’était génial car ils étaient hyper fans, moi c’était pas trop mon truc, je n’écoute que des gens morts (rires). Du coup on s’est rencontré à l’Olympia, avec tout le monde. Le lendemain on a fait des essais à Paris et deux mois après je décollais pour Philadelphie pour 2 jours d’enregistrement avec lui pour un projet où j’ai sorti une chanson avec lui. C’était génial ! Et quand ils sont revenus jouer à Paris, il a enregistré un titre avec moi sur mon précédent disque « feathered with daggers ».
C’est un joli souvenir car c’est un truc simple, instinctif.
Le plus beau concert que tu as vu et que tu as fait ?
Que j’ai vu, je pense que c’est les Brian Jonestown Massacre, à la Cigale, je ne les connaissais pas, c’était il y a pas mal d’années, j’ai pris une claque. C’est un concert qui m’a surprise, je ne comprenais rien à ce qui se passait. Il y a un documentaire qui s’appelle Dig! sur ce groupe indé-américain, je te le recommande. Dedans tu vois l’évolution sur 10 ans des Dandy Warhols et des Brian, qui sont restés dans l’ombre car ils prenaient beaucoup trop de drogues. Tu voies cette dichotomie entre les 2 groupes. Le leader du groupe est à l’époque drogué jusqu’aux os et il gère ses musiciens comme un chef d’orchestre. Il n’est pas face au public, il regarde ses musiciens et s’ils sont mauvais il les vire de la scène. Il y a toute une légende qui s’est créée autour de ça, les concerts sont devenus une attraction. Donc moi j’ai débarqué à la Cigale, on m’a juste dit d’aller les voir car c’était génial. Musicalement j’ai pris une claque mais en plus il y avait une sorte de pression dans le public, je ne comprenais pas pourquoi Anton s’énervait, pourquoi il insultait les gens, c’était génial, inédit. Après j’ai vu le film, tout s’est éclairé (rires). Puis j’ai eu une phase obsessionnelle où j’ai regardé ce film je pense pendant un an tous les jours, il y a qu’en Amérique qu’il y a des âmes inspirées comme ça et inspirantes..
Concernant mon plus beau concert, certainement et toujours l’Olympia avec Baxter Dury.. car c’était premièrement l’Olympia, puis j’étais en groupe.
Un endroit ou tu aimerais te produire après l’Olympia?
Ça devient difficile… je n’ai jamais fait la Cigale donc j’aimerais bien. Puis refaire un petit Olympia, c’est bien aussi, ça ne fait pas de mal !
Cette année, emploi du temps chargé entre la tournée avec OMOH en première partie de Julien Doré, la sortie de l’EP, ça va aller ?
Plus, plus, plus, il y a d’autres projets en cours. C’est vrai que la tournée prend beaucoup de temps, c’est un sacré rythme, je n’avais jamais encore vraiment tourné avec une telle densité de dates. Je fais généralement des dates éparses. C’est un autre rythme, et puis là ce sont des zéniths. On pourrait penser que c’est impressionnant mais finalement j’ai moins de pression sur ces dates que sur des plus petites dates, c’est assez galvanisant avec le retour salle, tu en prends plein la face… J’ai la sortie de l’EP et j’ai préparé aussi un concert fin avril à Paris pour moi. Je repars en indépendance totale donc je n’ai plus d’éditeur, de label et de tourneur, ça me va très bien pour l’instant !
crédit photo Emile Dévoit Proust
Pour clôturer l’interview, quel serait ton conseil pour quelqu’un qui souhaite se lancer comme toi dans une carrière musicale ?
Un conseil, je ne suis pas la bonne personne.. (rires) Plus sérieusement je pense qu’il faut écrire, être juste. C’est important de raconter quelque chose, j’ai du mal à adhérer à des textes qui ne racontent pas grand chose, c’est pas que ça m’énerve mais j’ai un problème avec les chansons qui ne sont pas habitées ou pas senties. Donc voilà : surtout, raconter quelque chose ou se raconter quelque chose, et persévérer parce que, voilà, c’est pas facile la vie (rires). S’accrocher !
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